LA MARQUE ENREGISTREE : ELEMENT DE REFERENCE DANS L’APPRECIATION DE LA CONTREFACON

DROIT DES MARQUES
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L’enjeu majeur de tout dépôt de marque est de se protéger contre des usages non autorisés du signe choisi. Pourtant, il ne suffit pas de procéder au dépôt de sa marque, encore faut-il qu’il y ait une correspondance entre le dépôt effectué et l’exploitation réelle qui en est faite.

Les anciens articles L.713-2 et L.713-3 du Code de la propriété intellectuelle, prévoyant les deux cas d’atteinte à la marque que sont la reproduction, ou l’imitation, non-autorisée de celle-ci, demeuraient silencieux sur le signe qu’il convenait de prendre en compte afin de mener la comparaison : le signe, tel que déposé en tant que marque, ou le signe, tel qu’exploité. L’article L.713-2 du Code de la propriété intellectuelle, issu de l’Ordonnance du 13 novembre 2019, n’apporte pas plus de précision sur ce point.

Il est de jurisprudence constante que le risque de confusion doive s'apprécier globalement, par référence au contenu de l’enregistrement de la marque, vis-à-vis du consommateur des produits ou services tels que désignés par ces enregistrements et sans tenir compte des conditions d'exploitation des marques ou des conditions de commercialisation des produits ou services[1].

Dans un arrêt du 28 juin 2023, la chambre Commerciale de la Cour de cassation rappelle la règle selon laquelle l’appréciation du risque de confusion se fait par référence au contenu de l’enregistrement de la marque. La solution de cet arrêt, s’il a été rendu sous l’empire des dispositions antérieures, ne paraît pas devoir être remise en cause par le droit positif.

En l’espèce, la société PALLADIUM avait procédé en 2003 au dépôt d’un modèle de chaussure dit « Baggy » et d’une marque « Palladium ». La société KSGB venant à ses droits faisait le reproche à deux sociétés, SISSI PERLA et AUBERSTAR, de commercialiser des modèles de chaussure reproduisant les caractéristiques du modèle en question par l’utilisation des signes Yangbokai et Palmabeach. Elle les assigne en contrefaçon de modèle, marque, concurrence déloyale et parasitaire.

La Cour d’appel de Lyon avait condamné lesdites sociétés en contrefaçon et reconnu la concurrence déloyale parasitaire.

La Cour d’appel de Lyon a retenu la contrefaçon de la marque PALLADIUM, par l’usage du signe YANGBOKAI, en procédant à la comparaison entre les usages de ces deux signes.

Suite au pourvoi formé par les sociétés SISSI PERLA et AUBERSTAR, la Cour de cassation casse et annule la décision de la Cour d’appel, concernant la contrefaçon de la marque PALLADIUM par l’usage du signe YANGBOKAI, en rappelant que l’appréciation de la contrefaçon d’une marque doit se faire au regard du signe, tel que déposé, et non tel qu’il est exploité.

En effet, le dépôt effectué doit correspondre étroitement à la représentation réelle de la marque. L’inscription de la marque est faite en relief et formée d’une sorte de caoutchouc posé sur un socle de même couleur alors que la marque déposée ne permet pas de se rendre contre de ce relief et ne prend pas en compte les éléments de contour.

Cet arrêt sonne comme un rappel du périmètre d’exercice des prérogatives du titulaire de la marque. Caractériser la contrefaçon sur la base de l’exploitation et non du dépôt effectué permettrait d’extrapoler la portée de la marque par rapport à son enregistrement. Cela reviendrait à octroyer une protection exorbitante au titulaire de marque et par conséquent à réduire la libre concurrence.

De plus, l’appréciation des conditions d’identité ou de similarité en comparaison du signe sur lequel porte la marque telle qu’enregistrée, tout comme sur les produits et services visés, est une source de sécurité juridique, au travers de l’information accessible aux tiers par la consultation des registres tenus par les offices en charge de la gestion des marques (INPI, EUIPO).

Cela démontre l’intérêt d’être rigoureux dans l’exploitation de sa marque, mais aussi d’être en mesure d’anticiper celle-ci dès le dépôt. Ainsi avant de solliciter l’enregistrement d’une marque, il convient de cerner tous les contours de l’activité engagée et l’usage concret qui sera fait de la marque. Un tel travail préparatoire, idéalement réalisé avec l’appui d’un professionnel, est le gage d’une protection efficace et durable.

 Article rédigé par Marie-Noëlle ELIAM, sous la supervision de Pierre BRASQUIES

 

[1] Com 27 Mars 2017 Cora n°17-31.605 ; Com 18 oct 2016, Puma n°15-14.523 ; Com 29 Nov 2011, Moop n° 10-31.061.