Garantie légale de conformité pour les services numériques: revoyez vos CGV !

Contrats de l'entreprise Droit du numérique
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Avant l’ordonnance du 29 septembre 2021, la garantie légale de conformité ne concernait que la vente de produits matériels (« biens meubles corporels »).
 
Ainsi, bien que les services numériques soient désormais omniprésents dans notre société, ils ne bénéficiaient jusqu’alors d’aucun régime légal spécifique quant aux garanties dont ils pouvaient bénéficier, étant entendu que le régime applicable aux biens meubles corporels ne pouvait s’appliquer.
 
Cet oubli est désormais réparé, ce qui va contraindre les fournisseurs de services numériques en ligne à revoir leurs conditions de vente. 

Le « numérique » englobe l’ensemble des objets connectés ainsi que les multiples contenus et services numériques tels que les réseaux sociaux, les plateformes de streaming ou encore les services de cloud ; et au regard de la protection du consommateur, un nouveau régime devait être construit.

Par conséquent, le législateur français a jugé opportun d’une part d’étendre la garantie légale de conformité applicable aux produits matériels aux objets connectés, et d’autre part de créer un régime propre à la fourniture des contenus et services numérique.

C’est ainsi à l’occasion de la transposition de deux directives européennes du 20 mai 2019[1] que le législateur a inséré les articles L.224-25-1 à L.224-25-32 au Code de la Consommation.

Ces nouveaux articles sont d’ailleurs d’ordre public[2].

Ces nouvelles dispositions s’appliquent aux contrats conclus à titre onéreux, entre le professionnel du secteur du numérique et des consommateurs, ou des non-professionnels à savoir des personnes morales n’exerçant pas dans le cadre de leur activité.

Plus concrètement, nous pouvons considérer que les logiciels, plateformes, services Saas / IaaS / Paas, applications mobiles, services de vidéos à la demande et jeux vidéo en ligne seront concernés par cette réforme ; de même que les smartphones, montres connectées, assistants vocaux et autres objets assistés de domotique, et enfin les ordinateurs portables.

Ces nouvelles obligations s’appliquent à la fois lors de la phase contractuelle et de la phase d’exécution du contrat.

I/ Les nouveautés concernant l’information précontractuelle

Parmi les nouvelles obligations d’information précontractuelle, on trouve notamment :

  • L’obligation de préciser la durée du contrat.

Si les contenus et services numériques sont fournis pour une durée indéterminée ou de façon continue, alors il devient illégal d’imposer au consommateur un engagement minimal supérieur à vingt-quatre mois.

Ainsi, une fois la période minimale d’engagement dépassée, ou alors en l’absence de période d’engagement, le consommateur pourra résilier son contrat sous réserve de respecter un préavis, plafonné à dix jours. Sa demande devra obligatoirement être prise en compte dans un délai de dix jours à compter de sa demande.

En sus, le contrat devra obligatoirement stipuler les conditions de renouvellement et d’interruption du service, les éventuels frais à prévoir en cas de résiliation anticipée du contrat, et facultativement la nature de l’avantage consenti par le consommateur au lieu ou en complément du prix, si le service est gratuit…et si cette contrepartie existe (il peut s’agir d’une exploitation commerciale de données personnelles par exemple, ce qui étend considérablement le champ des possibles).

  • L’obligation de prévoir des dispositions particulières en cas d’incident de sécurité

C’est une des innovations intéressantes de la loi.

Face au risque croissant de vulnérabilité des services numériques, de menace ou encore de cyberattaque, le professionnel a l’obligation d’énoncer les moyens dont il dispose pour faire face à ces aléas ainsi que les mesures à prendre pour la sauvegarde des intérêts du consommateur et notamment concernant les différentes données qui peuvent être recueillies.

Nul doute que ces dispositions inciteront encore davantage les fournisseurs de service à renforcer leur politique de sécurité informatique.

II/ Les nouvelles obligations de garantie

Au titre de ses obligations, le fournisseur de prestations numérique s’engage notamment à ce que le consommateur ait accès par tout moyen approprié, en tout lieu physique ou virtuel selon les cas, à l’ensemble des contenus et services auxquels il peut légitimement s’attendre en vue de la conclusion du contrat. Le code de la consommation précise que la mise à disposition des contenus ou services doit être assurée par le professionnel sans retard injustifié, ce qui parait tout de même évident s’agissant d’un service numérique auquel l’accès est généralement instantané à la souscription !

En cas de retard injustifié, le consommateur sera en droit de suspendre le paiement du prix ou de résoudre (annuler) le contrat.

Mais quid en cas de non-conformité du contenu ou service numérique, ou encore de l’objet connecté ?

Par principe, selon le régime de droit commun de la garantie légale de conformité, le professionnel a l’obligation de délivrer un bien conforme au contrat et à l’usage habituellement attendu d’un bien de même type. Ainsi, il incombe au consommateur de vérifier la conformité du bien dès à compter de sa réception, ou dans un délai raisonnable au cours duquel le défaut sera présumé présent lors de la livraison de celui-ci.

Or, dans la mesure où les défauts de conformité pour les objets connectés, contenus ou services numériques apparaissent souvent ultérieurement et une fois ce délai passé, le régime devait nécessairement être adapté.

Classiquement, l’objet connecté, le contenu ou le service numérique doit répondre aux spécifications contractuelles ainsi qu’à la qualité légitimement attendue, et notamment au regard de la sécurité des éléments couverts par la garantie légale, des fonctionnalités, ainsi que de de la compatibilité et interopérabilité avec les autres environnements numériques.

Et plus spécifiquement, cette extension de garantie légale de conformité étendue aux objets connectés, services et contenus numériques impose au professionnel de :

  • Fournir la version disponible la plus récente au moment de la conclusion du contrat ;
  • Fournir le contenu ou le service numérique de façon continue et accessible ;
  • Fournir l’ensemble des accessoires et instructions d’installation nécessaires à l’usage normal que peut en faire le consommateur. Cela inclut notamment l’assistance à la clientèle en cas de besoin ;
  • Fournir les mises à jour auxquelles le consommateur peut légitimement s’attendre ;
  • Garantir une certaine durabilité pour les objets connectés ;
  • Garantir une protection adéquate concernant les données à caractère personnel.

Concernant dès à présent l’application de la garantie légale de conformité dans le temps, l’on doit distinguer selon qu’il s’agisse d’un bien contenant des éléments numériques (ex : objet connecté) ou alors d’un contenu ou service numérique (ex : service de VoD, réseau social, plateforme de fourniture de contenus video ou audio, etc).

  1. S’il s’agit d’un bien contenant des éléments numériques :

 

 

Bien contenant des éléments numériques

Durée de la présomption d’antériorité et de la garantie légale

Bien

Eléments numériques

Durée de fourniture du contenu ou service associé au bien depuis plus de 2ans

 

2 ans

 

Toute la durée de la fourniture

Durée de fourniture du contenu ou service associé au bien depuis moins de 2ans ou non prévue

 

 2 ans

 

2 ans

 

  1. S’il s’agit d’un contenu ou service numérique :

 

Contenu ou service numérique

 

 

Durée de la présomption d’antériorité

 

Durée de la garantie légale

Fourniture continue pendant une période donnée

 

Toute la durée de la fourniture

 

Toute la durée de la fourniture

Fourniture ponctuelle

 

1 an

 

2 ans

Attention toutefois, le professionnel ne peut répondre du défaut de conformité de manière illimitée pour l’ensemble de ces périodes !

 Le professionnel ne pourra engager sa responsabilité que dans ces trois hypothèses :

  • si l’intégration du bien ou du contenu et service a été réalisée par lui-même ;
  • si celle-ci a été réalisée sous sa responsabilité ;
  • si l’intégration incorrecte résulte de lacunes dans les instructions du professionnel.

Mais in fine, quels sont les moyens de recours dont dispose le consommateur ?

III/ Les recours du consommateur

La loi étend les recours du consommateur ou du non-professionnels prévus initialement pour les biens aux objets connectés et contenus et services numériques.

Ainsi, la première option consiste en la mise en conformité du bien, du contenu ou du service – sans frais aucun pour le consommateur. Cette mise en conformité doit intervenir dans un délai de 30 jours pour un bien comportant des éléments numériques et « sans retard » pour les contenus ou services numériques, c’est-à-dire dans un délai raisonnable.

Toutefois, le consommateur est également en mesure de demander la réduction du prix ou la résolution du contrat. Dans cette dernière hypothèse, le consommateur doit s’assurer de la réversibilité de ses données. Cela implique que le professionnel remette au consommateur, dans un délai raisonnable et dans un format couramment utilisé, le contenu qui a été fourni ou créé par ce-dernier lors de l’utilisation du contenu ou service numérique.

Cette obligation résonne avec l’obligation de portabilité des données personnelles, qui s’applique à la plupart des services numériques traitant de la donnée personnelle (ex : service de streaming).

En sus, le professionnel peut voir prononcer des sanctions financières à son encontre, d’origine civile ou administrative, notamment s’il fait obstacle de mauvaise foi à la mise en œuvre de cette garantie légale de conformité.

Ces nouvelles dispositions doivent ainsi inciter l’ensemble des professionnels du numérique à revoir leurs documents contractuels, et notamment leurs conditions générales de vente ou de service, afin qu’elles soient en conformité avec ces nouvelles obligations, qui sont d’ores et déjà entrée en vigueur .

Le Cabinet Champollion Avocats est à votre disposition pour revoir vos conditions générales de vente ou de services. 

 

Article rédigé par Loren Meunier et Josquin Louvier  

 

[1] Transposition des directives européennes 2019/770 et 2019/771 du 20 mai 2019

[2] Article L.224-25-32 du Code de la consommation.