Signature scannée et signature numérique: ce n'est pas la même chose !

Contrats de l'entreprise Droit du numérique
Image Signature électronique.jpeg

L’arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 8 mars 2022 confirme la différence de valeur juridique entre une signature électronique et une signature scannée. 

L’arrêt en question est en lien avec une promesse unilatérale de vente (PUV).

Pour financer une opération immobilière, l’un des actionnaires d’une société conclut à la date du 15 mai 2018 un prêt auprès d’une autre société, assorti d’un engagement de conclure au plus tard une PUV de tout ou partie des parts sociales de la société. Le prêt ne pouvant pas être remboursé, cette seconde société considère qu’elle bénéficie de la totalité des parts sociales détenues par l’ensemble des actionnaires de la société souhaitant réaliser l’opération.

Les autres actionnaires, titulaires des parts sociales, contestent avoir signé une telle promesse de vente. Celle-ci aurait été antidatée et signée sans leur consentement grâce à l’apposition de leur signature scannée sur le document.

Selon l'article 1367 du Code civil, « la signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur et manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte ».

Néanmoins, le procédé de la signature scannée, même valable, ne peut pas être assimilé à celui utilisé pour la signature électronique qui bénéficie, elle, d'une véritable présomption de fiabilité selon l'alinéa 2 de l'article 1367 du Code civil : « la fiabilité d’un procédé d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »

Dans les faits, les signataires de la prétendue promesse de vente contestaient avoir signé cet acte, qui était daté du même jour que l’acte de prêt (non contesté, celui-là, et qui avait été signé manuscritement). En outre, l’acte de prêt ne faisait aucunement référence à la promesse litigieuse datant du même jour. Par ailleurs, ce recours à la signature numérisée n’avait jamais été utilisé entre les parties pour d’autres actes antérieurs à la promesse litigieuse.

Le consentement des actionnaires de la société emprunteuse à la promesse de vente de leurs titres n’était donc pas établi. 

La société prêteuse, qui se prétendait bénéficiaire de la promesse unilatérale de vente, est donc déboutée de l’intégralité de ses demandes, confirmant ainsi l’absence de fiabilité d’une signature scannée par rapport à une signature électronique.

Un procédé à proscrire

Il apparait ainsi que la pratique consistant à apposer une signature sous format « image » sur un document sous format numérique (par ex en bas d’un contrat sous format word) est à proscrire absolument, en raison de son manque de fiabilité de l’impossibilité à la fois d’authentifier le signataire et d’établir son consentement à l’acte.

Il est en effet très aisé de « copier-coller » sur n’importe quel document la signature d’une personne que l’on aurait scannée à partir d’un autre document (authentique cette fois). C’est la raison pour laquelle les tribunaux refusent toute validité et force probante à ce procédé. 

Quelles alternatives ? 

L’outil de dématérialisation offrant la meilleure sécurité juridique reste la signature électronique. 

Pour rappel, le règlement européen « eIDAS »  du 23 juillet 2014 identifie trois niveaux de signature électroniques, dont la force probante est variable :

  • la signature simple, qui offre un faible niveau de fiabilité, comme une case à cocher ;
  • la signature avancée, qui doit répondre aux exigences spécifiques de l’article 26 du règlement UE « eIDAS », à savoir être liée au signataire de manière univoque, permettre d’identifier le signataire, avoir été créée à l’aide de données de création électronique que le signataire peut utiliser sous son contrôle exclusif et être liée aux données associées à cette signature de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable : c’est le cas par exemple d’un procédé de signature organisant une vérification en ligne de l’identité de la personne (par téléversement d’une carte d’identité), doublée de l’envoi d’un lien de signature par mail et d’un code de validation par sms ; 
  • la signature qualifiée, qui requiert une identification en face-à-face du signataire, ainsi qu’un certificat qualifié de signature électronique. Au-delà des mesures prises pour la signature avancée, la signature qualifiée requiert l’utilisation d’une clé privée de signature qui sera remise au signataire physiquement, contre remise d’un document d’identité. C’est le procédé utilisé par exemple par les avocats disposant d’une clé « e-barreau » pour l’envoi d’actes de procédure aux juridictions, ou la signature d’actes d’avocat « natifs ». 

Il est donc recommandé d’utiliser, dans le cadre de la dématérialisation des contrats, un procédé de signature électronique, au moins de niveau « avancé », offrant une réelle sécurité juridique. 

Toutefois, ces procédés impliquent l’utilisation d’un service payant, et certaines démarches qui peuvent se révéler chronophages. 

Aussi, le procédé consistant à imprimer et signer de façon manuscrite un contrat, puis de scanner l’original, reste parfaitement valable et ne peut être assimilé à la « signature scannée » condamnée par la décision en question. 

Il convient néanmoins d’utiliser un procédé de numérisation conforme aux préconisations de l’art.1367 du Code Civil, à savoir en pratique un outil interdisant toute modification ultérieure du document, assurant ainsi son intégrité (du type pdf non modifiable). 

On voit ainsi que la dématérialisation des contrats n’est pas une chose si aisée que l’on pouvait l’imaginer, et que la voir vers une parfaite sécurité contractuelle et juridique reste assez longue. 

Le cabinet Champollion Avocats reste à votre disposition pour vous accompagner dans vos projets de dématérialisation et répondre à toutes vos interrogations d’ordre juridique sur le sujet. 

Article rédigé par Damien Michalak, avec Josquin Louvier