Du nouveau pour les agents commerciaux

Contrats de l'entreprise
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Un arrêt rendu par la Cour de Justice de L’Union Européenne (CJUE) le 4 juin 2020 est venu préciser la définition du statut d’agent commercial. Cette interprétation était attendue.

Un intermédiaire (un mandataire) conclu des contrats de vente, au nom et pour le compte d’une société qui fabrique et vend du textile (le mandant) en contrepartie d’une commission sur le prix de vente. À ce titre, le mandataire met en relation le mandant avec la clientèle, prend les commandes puis suit les expéditions et les livraisons.  

Après plusieurs années de relations commerciales, le mandant met fin à cette relation contractuelle.

Le mandataire demande le paiement des indemnités de rupture du contrat d’agence commerciale.

Cependant, il se heurte au refus du mandant qui conteste sa qualité d’agent commercial au sens de l’article L. 134-1 du code de commerce[1] au motif que le mandataire ne disposait pas, en vertu du contrat qui les liait, du pouvoir de modifier les conditions de vente des articles qu’il vendait, en particulier de modifier les prix des articles fixés par le mandant.

En raison de ce refus, le mandataire saisi le Tribunal de Commerce de Paris en faisant valoir que la convention qui unissait les deux sociétés constituait un contrat d’agence commerciale.

Les juges s’interrogent sur la façon dont il convient d’interpréter le terme « négocie ». Ils sursoient à statuer et interrogent la Cour de Justice de l'Union Européenne quant à l’interprétation du terme « négocier » qui doit être retenue.

Un intermédiaire indépendant, agissant en tant que mandataire au nom et pour le compte de son mandant, qui n’a pas le pouvoir de modifier les tarifs et conditions contractuelles des contrats de vente du mandant, est-il chargé de négocier lesdits contrats? Est-il qualifié d’agent commercial et bénéficie-t-il du statut d’agent commercial?

La CJUE répond à l’affirmative. Elle considère que la Directive 86/653/CEE doit être interprétée en ce sens qu’une personne ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elle assure la vente pour le compte du mandant pour être qualifiée d’agent commercial.

Cette décision contredit la tendance jurisprudentielle de la Chambre commerciale de la Cour de cassation qui jugeait depuis 2008 que pour être qualifié d’agent commercial et bénéficier de son statut juridique, l’intermédiaire devait avoir une faculté de modifier les prix de l’offre dont il assurait la vente pour le compte du mandant.

Au terme de cette décision, on comprend que la notion d’agent commercial n’est pas si restrictive que ce que l’entendait la Chambre commerciale de la Cour de cassation. La simple « négociation » suffit, et négocier ne nécessite pas de pouvoir modifier les prix.

En retenant une conception large de la notion de « négociation », le statut d’agent commercial s’applique à un plus grand nombre d’intermédiaires. Ceux-ci peuvent donc se prévaloir des dispositions impératives et protectrices de la Directive 86/653 CEE (transposée par la loi du 25 juin relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants, codifiée à l’article L. 134-1 du code de commerce), en particulier à celles relatives à l’indemnisation de l’agent commercial en cas de cessation du contrat.

Cet éclairage de la CJUE est bienvenu notamment lorsqu’on sait que beaucoup de contrats commerciaux, si ce n’est tous, prévoient des clauses interdisant à l’agent commercial de modifier les prix des produits. Il suffirait alors au mandant de prévoir une clause stipulant que l’agent doit respecter les prix et les conditions contractuelles fixées par le mandant pour se soustraire aux dispositions impératives de la Directive.

On sait maintenant quune telle clause n’exclut pas la qualification de contrat commercial et ne fait pas obstacle à l’application du statut juridique d’agent commercial.

Cette décision conforte les agents commerciaux dans leurs droits et réconforte les avocats qui peuvent désormais s’appuyer sur le droit de l’Union Européenne pour revendiquer l’application des dispositions protectrices du statut d’agent commercial à ces intermédiaires.

 

Apolline BERNARD

 

[1] L’agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante [...], est chargé de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente [...] au nom et pour le compte de producteurs, de commerçants [...] »