Nouvelle réglementation sur les drones: paré au décollage ?

Droit du numérique
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La miniaturisation des technologies offre de nouvelles possibilités aux drones. Les grandes quantités des données que peuvent aujourd’hui capter les drones font naître des opportunités mais également des risques. L’entrée en vigueur de deux arrêtés le 17 décembre 2015 invite à s’interroger sur les conditions dans lesquelles ces engins pilotés à distance sont autorisés à voler ainsi qu’aux atteintes à la vie privée et aux données personnelles que ces vols sont susceptibles  d’entraîner.

De nombreux professionnels dans des domaines variés sont intéressés par les applications inédites que les aéronefs sont susceptibles de développer grâce à leur capacité à embarquer des appareils photo, des caméras, notamment des caméras infrarouge, ou des capteurs environnementaux…Or, si les possibilités sont importantes, les risques le sont aussi.

L’adoption d’une nouvelle règlementation

Les aéronefs civils télépilotés – véritable nom de ceux que par habitude, ou abus de langage, nous appelons les drones – sont encadrés par un dispositif règlementaire. Il s’agit de deux arrêtés du 17 décembre 2015, entrés en vigueur le 1er janvier 2016 et qui remplacent les arrêtés du 11 avril 2012. Le premier est relatif à la conception des aéronefs civils qui circulent sans personne à bord, aux conditions de leur emploi et aux capacités requises des personnes qui les utilisent. Le second est relatif à l’insertion dans l'espace aérien des aéronefs qui circulent sans personne à bord. Ces arrêtés sont accompagnés par la mise à disposition de deux guides utilisateurs (un guide aéromodélisme et un guide activités particulières) disponibles sur le site de la DGAC.

 Ces deux textes distinguent deux populations en fonction de l’utilisation qu’elles font des drones. Lorsque cette utilisation est limitée au loisir et à la compétition, on parle d’aéromodèles. Pour les autres utilisations des drones, dans un contexte professionnel, on parle d’activités particulières ou, pour les vols de développement ou de mise au point, d’expérimentation. Un troisième arrêté, attendu pour la fin de l’année, devrait venir modifier les exigences en matière de formation. Cet arrêté devrait prévoir un certificat d’aptitude théorique pour les télépilotes et une formation pratique qui mettra l’accent sur la préparation de la mission et la sécurité des tiers.

 Les arrêtés du 17 décembre 2015 mettent en place un dispositif règlementaire complexe qui s’appuie sur la prise en compte du poids de l’engin, de l’endroit où les drones sont utilisés mais surtout du but de l’utilisation de ces drones.

 La nouvelle règlementation introduit cependant la souplesse dont les professionnels avaient besoin pour prendre en compte notamment les conditions météorologiques ou des contraintes commerciales dans le cadre d’activités aussi variées que les traitements agricoles, les opérations d’épandage sur le sol ou de dispersion atmosphériques, le tractage de banderoles ou encore la surveillance aérienne.

Des conditions de vol plus souples pour les activités commerciales

Dans le cas des activités commerciales, les arrêtés prescrivent des obligations concernant la présentation de documents avant toute mise en œuvre d'un aéronef, ainsi que l'identification de l'aéronef, et sa navigabilité et la fourniture d'une attestation de conception.

 La nouvelle règlementation est marquée par deux grandes avancées. Elle prévoit d’une part, la simplification des procédures administratives, puisque l’on passe d’un mode de demande d’autorisation à un mode déclaratif via un formulaire CERFA. D’autre part, elle prévoit l’assouplissement des possibilités de vol. Ainsi, il est maintenant possible d’utiliser des drones plus lourds en zone peuplée, de télépiloter le drone à partir d’une distance plus importante en zone non peuplée et dans certains cas, la zone d’exclusion des tiers est diminuée.

 Malgré ces différents assouplissements, la nouvelle réglementation sur les drones ne donne pas entière satisfaction aux professionnels proposant des prestations aériennes par aéronefs télépilotés. Ceux-ci déplorent notamment que la procédure de déclaration de vol soit encore mal adaptée à leurs conditions effectives de travail et que les zones d’exclusion des tiers soient encore trop importantes et ne tiennent pas compte des risques réels de chute de drones et des contraintes opérationnelles. Ils expliquent par exemple que le tournage d’un film en zone urbaine ne devrait pas engendrer le blocage d’une place ou d’une rue.

 A côté de cet assouplissement insuffisant, les professionnels dénoncent à l’inverse le risque que certains exploitants opèrent dans un cadre moins rigoureux qu’avant puisque les Manuels d’Activités Particulières (MAP) ne seront plus contrôlés…

Les risques liés à la collecte de données personnelles

 Que ces drones soient utilisés à des fins de loisir ou à des fins professionnelles, leur prolifération nécessite de s’interroger sur la façon dont les règles relatives à la protection de la vie privée peuvent s’adapter aux drones.

 En effet, un drone muni de capteurs est susceptible de collecter des données à caractère personnel. C’est le cas lorsque les personnes sont identifiables sur les clichés, les vidéos ou les enregistrements sonores.

Les prises de vue réalisées par les drones sont alors susceptibles d’entrer dans le cadre de l’application des dispositions de la loi Informatique et Libertés, des lors que l’enregistrement des informations récoltées peut être considéré comme un traitement de données à caractère personnel  et peut donc entraîner une obligation de déclaration à la CNIL.

Vers un « droit des drones »

Par ailleurs, dans son rapport d’activité 2014, la CNIL met en garde sur le fait que la législation actuelle existant en matière de vidéosurveillance n’est pas adaptée à la capture d’image au moyen de drones. En effet, en matière de vidéosurveillance et de vidéoprotection, le code de la sécurité intérieure prévoit que le public doit être informé « de manière claire et permanente » de l’existence du système de vidéoprotection et de la personne responsable du système alors que par définition il n’est pas possible de déterminer a priori les lieux susceptibles d’être filmé par les caméras embarquées sur les drones. De même, se pose la question de savoir par quel moyen informer le public de ces prises de vues et de sons…

 Il convient dès lors de prévoir un encadrement adapté à de telles pratiques. La CNIL imagine un dispositif d’immatriculation des drones ou un système d’émission d’information par l’appareil et propose de lister les drones ayant survolé un site physique donné. Cette liste serait ensuite publiée sur un site internet ouvert au propriétaire du site et plus largement à tout internaute afin de préserver les recours des personnes concernées

 En attendant la création d’un « droit des drones » que les particularités des drones et l’importance qu’ils sont en train de prendre rend nécessaire, il convient que les utilisateurs, tant à titre privé qu’à titre professionnel, restent vigilants quant au respect de leurs obligations règlementaires, notamment la mise à jour scrupuleuse de leurs MAP, et des règles relatives au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles. 

Axelle LOUIS et Josquin LOUVIER, Avocats

Pour visualiser l'article paru dans les Affiches de Grenoble du 11 mars 2016, cliquez sur le lien suivant :

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