Logiciels: la protection par le droit d'auteur n'est pas automatique!

Propriété Intellectuelle Droit du numérique

Par Josquin LOUVIER, Avocat, Cabinet Leclère Avocats

Dans un arrêt récent [1], la Cour de Cassation a rappelé qu’un logiciel, même issu d’un développement spécifique, n’est pas nécessairement protégé au titre du droit d’auteur.

En l’espèce, un éditeur avait développé un logiciel de gestion spécifique pour la chambre nationale des huissiers de justice, qui l’avait utilisé sous licence pendant 5 ans. Malgré l’expiration de la licence, le client avait continué d’utiliser l’application, et l’éditeur avait attaqué son ancien client en contrefaçon.

De façon classique, le client avait contesté l’originalité du logiciel, et sa protection au titre du droit d’auteur. En appel, les juges avaient rejeté cet argument, en retenant, d’une part, que le logiciel avait été déposé à l’APP, et d’autre part, qu’il apportait « une solution particulière à la gestion des études d’huissiers de justice ».

Cette décision est censurée par la Cour de Cassation, qui reproche aux magistrats d’appel « de ne pas avoir recherché en quoi les choix opérés témoignaient d’un apport intellectuel propre et d’un effort personnalisé de celui qui avait élaboré le logiciel litigieux, seuls de nature à lui conférer le caractère d’une œuvre originale protégée par le droit d’auteur ».

On retrouve ici les deux critères de protection du logiciel par le droit d’auteur:

-        l’apport intellectuel, qui signifie que le développeur  a apporté, grâce à son savoir-faire, des solutions d’ordre technique aux problématiques de son développement, et ne s’est pas contenté de reprendre des solutions existantes ;  

-        l’effort personnalisé, qui est révélé par l’existence de choix personnels au cours du développement, qui ne soient pas les plus évidents ou les plus courants en la matière ;

En cas de litige, l’éditeur doit donc être en mesure de démontrer que les deux critères ci-dessus sont remplis, et que son application mérite la protection légale, étant rappelé qu’un simple dépôt à l’APP ne confère aucune protection, mais constitue simplement une preuve de l’antériorité de l’application et de son auteur.

Au final, si la Cour de Montpellier, à laquelle a été renvoyée l’affaire, devait juger l’application non originale, on imagine les conséquences pour cet éditeur…dont les clients pourraient mettre un terme à leurs licences, tout en poursuivant l’utilisation !

On voit donc que la « valeur ajoutée » apportée par une application, par rapport au marché, n’est pas qu’une question commerciale, mais également juridique…

[1] Cass. Com. 17 oct. 2012