Contrats informatiques: limitez les risques de litiges!

Contrats de l'entreprise

Non conformité de la solution livrée avec les attentes du client, non respect des délais, dépassement des coûts,  niveaux de service insuffisants, désaccord sur la propriété intellectuelle constituent les causes les plus répandues des litiges informatiques. Ceux-ci pourraient être évités par une meilleure compréhension des interlocuteurs en amont du projet et une formalisation précise de leurs relations contractuelles.

Définir ses besoins avec précision

Pour tout projet la définition des besoins du client utilisateur est une nécessité technique et un impératif juridique incontournable. D’où l’importance de la rédaction par le client d’un cahier des charges. Ce document doit être suffisamment précis pour bien refléter les besoins du client, mais pas trop détaillé pour permettre au prestataire d’exercer pleinement son devoir de conseil. Au delà de l’exposé des objectifs du projet le cahier des charges devra décrira les résultats attendus en termes de performances, déterminera les aspects fonctionnels à prendre en compte et les contraintes techniques ou de délais. Ce document peut également, dans le cadre d’un appel d’offres, contenir une liste de prérequis juridiques (pénalités de retard, propriété intellectuelle, etc..), ce qui permettra au client d’apprécier la capacité des prestataires à s’engager sur le plan juridique. Le cahier des charges aura valeur contractuelle s'il y est fait référence, comme c'est souvent le cas en pratique, dans le contrat qui sera ensuite signé avec le prestataire. Au titre de son obligation de conseil, ce dernier doit rechercher avec le client une solution adaptée à ses besoins, mais le client utilisateur a lui-même un devoir de collaboration dans la définition de ses besoins puis ultérieurement pendant la phase d’exécution de la prestation (validation des spécifications, prononcé de la recette,…) Le client doit fournir au prestataire toutes les informations utiles lui permettant de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour accomplir sa prestation. A défaut, en cas de litige le tribunal pourrait juger que les responsabilités sont partagées ou débouter le client de sa demande. 

Anticiper les risques et les couvrir contractuellement

Un bon contrat doit anticiper tous les scénarios possibles et apporter à l’avance des solutions convenues d’un commun accord. Il doit être équilibré ; son rôle premier est d’être un outil au service des opérationnels. Il deviendrait inutilisable s’il contenait des dispositions léonines pénalisant l’une ou l’autre partie. Trop souvent les litiges naissent des ambiguïtés des dispositions contractuelles sur les rôles respectifs des parties, sur l’étendue de leurs obligations, sur le référentiel de conformité ou sur la nature des délais contractuels. Par exemple, si le respect des délais de réalisation est sensible, le contrat devra impérativement prévoir des pénalités de retard qui inciteront le prestataire à être diligent ; mais les indicateurs mis en place devront être objectifs et compréhensibles. De nombreux litiges naissent de l’évolution du périmètre du projet en cours de réalisation. Le client se sent généralement sécurisé par une facturation au forfait plutôt qu’en régie. Ce système de facturation au forfait implique que soit établie contractuellement une description précise des éléments qui seront livrés par le fournisseur ainsi que leurs spécifications. A défaut de détermination précise du référentiel de conformité, les parties risquent de s’affronter sur le fait de savoir si telle ou telle fonctionnalité était bien incluse dans le montant forfaitaire convenu ou doit faire l’objet d’une facturation complémentaire. Mais il arrive aussi fréquemment, notamment dans des projets d’une certaine durée, que les besoins du client évoluent en cours de développement ou qu’apparaissent des difficultés techniques inattendues. Le contrat devra, en conséquence, prévoir des modalités de concertation et des mécanismes d’ajustement des coûts et des délais prenant en compte ces changements imprévus. Le contrat devra également qualifier l’obligation du prestataire : obligation de moyens ou obligation de résultat ? Cette distinction présente un intérêt sur le terrain de la preuve. Le prestataire cherchera à se placer sous le régime de l’obligation de moyens qui met à la charge du client la preuve d’une faute de sa part en cas de livraison non conforme. En revanche, si le contrat met à la charge du prestataire une obligation de résultat, le client pourra engager la responsabilité de ce dernier en prouvant la seule inexécution contractuelle. Le prestataire présumé responsable ne pourra s’exonérer qu’en invoquant une cause étrangère ayant le caractère de force majeure. La jurisprudence n’est pas uniforme et a élaboré des nuances entre ces deux catégories en reconnaissant l’obligation de moyens renforcée ou de résultat atténuée…….Les clauses limitatives de responsabilité exigées généralement par les prestataires et dont la validité est reconnue par la jurisprudence dès lors qu’elles visent des relations entre professionnels devront être négociées et rédigées avec soin. D’une manière générale, il est recommandé de parvenir à une modulation de la responsabilité proportionnelle aux enjeux économiques du projet. Enfin le contrat devra prévoir des solutions de « sortie ». Des clauses de résolution permettent, en cas de manquement de l’une ou l’autre partie, de mettre en terme au contrat sans avoir recours au tribunal. Ces solutions ne doivent être utilisées qu’en dernière extrémité en cas de blocage du projet dû, par exemple, à l’incompétence technique du prestataire ou à l’incapacité du client à remplir son devoir de collaboration.

Déterminer le régime de propriété intellectuelle

Le contrat devra impérativement prévoir la titularité et les conditions d’exploitation des droits de propriété intellectuelle sur les éléments livrés par le prestataire. Dans le cadre des développements spécifiques (logiciels, site internet), à défaut de cession formelle et expresse au client, les droits d’auteur restent la propriété du prestataire. Le transfert des droits ne s’opère dons pas automatiquement au profit de celui qui a commandité et financé l’opération. Cette question centrale doit être abordée dès le début des négociations car elle conditionnera le prix de l’opération. Le transfert intégral des droits au profit du client lui permet de garder la totale maîtrise de sa solution informatique et notamment de son évolution future. Mais cette maitrise aura un coût …. A défaut de cession formelle des droits ou dans le cas d’acquisition d’applications standard le contrat devra définir les droits d’utilisation du client. Le  client devra également s’aménager contractuellement un droit d’accès aux codes sources afin d’assurer la pérennité de sa solution en cas de défaillance du prestataire. Les codes sources pourront être déposés chez un notaire, un huissier ou auprès de l’Agence pour la Protection des Programmes.

Assurer un suivi rigoureux du projet

Les parties, prestataire et client, ont trop souvent tendance à ne pas documenter les incidents, carences, erreurs survenant en cours de projet. Il convient de garder une trace écrite de tous les échanges (courriels, lettres, comptes-rendus de réunion..) relatifs à des dysfonctionnements. Il est impératif de ne jamais laisser sans réponse une lettre ou un courriel de réclamations émanant de l’une ou l’autre partie. Un suivi documenté du projet peut dissuader les parties de se lancer dans une procédure judiciaire. Même si les parties ont très souvent intérêt à trouver une issue amiable à leurs litiges, ces éléments leur permettront de démontrer devant un tribunal qu’elles ont été réactives et de bonne foi. La voie de la conciliation ou de la médiation doit être privilégiée dans un premier temps. La médiation progresse pour résoudre les litiges informatiques. Le Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris indique dans son dernier baromètre annuel que près de 12 % des conflits traités concernent le secteur informatique. Ce chiffre n’est pas étonnant car, compte tenu des enjeux et de la complexité technique des projets, clients et prestataires informatiques ont intérêt à ce qu’un projet en cours aboutisse.

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