Précision des produits et services visés par la marque et sous-catégories autonomes

Précision des produits et services visés par la marque et sous-catégories autonomes
FRUITS.jpg

La définition, et la délimitation des produits et services, est l’une des tâches les plus sensibles à accomplir lors du dépôt d’une marque, nécessitant un choix réfléchi et une rédaction soignée. 

 

En effet, la protection des marques n’est pas absolue, mais porte sur un champ de protection limité, dont les contours sont constitués par les produits et services visés lors du dépôt, mais également exploités (dans la mesure où les produits et services non exploités encourent, à terme, le risque d’une déchéance pour défaut d’exploitation). 

 

A titre d’exemple, une marque visant les fruits et légumes, en classe 31, ne couvre ni les plantes et fleurs naturelles dans la même classe, ni les voitures en classe 12. 

La difficulté de cette délimitation réside dans le caractère figé des libellés choisis : 

D’une part, les libellés proposés par la classification internationale évoluent lentement ; 

D’autre part, une fois la marque déposée, les libellés visés ne peuvent plus être modifiés, et n'évolueront qu'à la marge. 

 

Ainsi, le libellé choisi initialement peut finalement s’avérer rapidement imprécis, voire inadapté. 

 

L’exemple le plus criant est constitué par les produits de type “logiciels”, en classe 9, qui avec l’expansion du domaine du numérique, sont devenus bien trop imprécis et vagues pour qualifier les produits réellement visés. Un CRM n’a ainsi pas le même usage qu’un logiciel de système.  

 

La question se pose donc de savoir, dans cet exemple, si l’usage d’un signe déposé en tant que marque pour des produits de type “logiciels” serait prohibé pour des logiciels de type CRM, alors que le titulaire de la marque ne l’exploite que pour des logiciels de système. 

C'est sur ce point que réside l’intérêt des sous-catégories autonomes, dont la Cour de cassation a pu utilement préciser le régime dans un arrêt du 14 mai 2025 (Cass. com. 14 mai 2025, n°23-21.296) : permettre de considérer qu’une catégorie générale, appartenant à une classe, peut elle-même être subdivisée en sous-catégories autonomes. 

 

Ainsi, les fruits et légumes, qui sont une catégorie générale de la classe 31, pourraient être subdivisés en deux sous-catégories autonomes : les fruits d’une part, les légumes d’autre part. Mais cette opération est-elle infinie ? Les fruits peuvent-ils eux-mêmes se diviser en fruits jaunes, fruits rouges, fruits à pépins, fruits à noyaux, ou encore en pommes, poires, pêches, fraises, framboises, voire en pommes golden, pommes granny, pommes pink lady...? La division des catégories en sous-catégories serait alors infinie. 

 

La Cour de cassation apporte une précision indispensable : le critère de la finalité et de la destination des produits ou des services en cause constitue le critère essentiel aux fins de la définition d'une sous-catégorie autonome de produits ou de services. 

 

Chaque catégorie de produits ou de services pourra donc se diviser en autant de sous-catégories autonomes, dédiées chacune à une finalité spécifique. 

 

Pour revenir à l’exemple des logiciels, il faudrait donc s’interroger sur la finalité de ces derniers : les logiciels de type CRM ont-ils la même finalité que les logiciels de système ? 

Peut-on réellement soutenir que le consommateur qui souhaite faire l’acquisition d’un logiciel de système pourrait se laisser convaincre d’acheter à la place un logiciel de type CRM ?  Nous pourrions en déduire que ces deux types de logiciels constituent chacun une sous-catégorie autonome. 

A contrario, celui qui souhaite déguster une pomme pourrait se laisser tenter par un autre fruit qui lui permettrait d’assouvir son besoin. La catégorie des fruits ne se diviserait donc pas en sous-catégories autonomes. 

 

Chaque déposant aura donc intérêt, plutôt que de s’interroger sur ce qu’il entend exploiter, à se demander ce qu’entendent faire les consommateurs de ses produits et services. 

 

Pierre BRASQUIES 
Avocat associé